André Guerri, écrivain à Saint-Orens
André Guerri, vous êtes écrivain et avez publié aux éditions Edilivres de nombreux livres :
« Et le vase se brisa », « Le cœur qui bascule », « Le métier de vivre », « D’arts et d’amitié » sur l’amitié amoureuse entre Cocteau, l’auteur et Jean Marais, l’acteur (à la Une, la première de couverture et le portrait de Cocteau par Modigliani), « L’adoption : parents autrement ». Les résumés sont consultables en cliquant ici.
André Guerri, vous écrivez des romans. Quel est votre parcours ?
Long et difficultueux : BEPC à 16 ans, puis travail dans le BTP dans la boue et la poussière pour cause de misère familiale… l’horreur ! Puis stage AFPA à Limoges pour avoir une équivalence CAP chauffagiste (autre horreur). Encore d’horribles chantiers BTP et enfin entrée dans un bureau d’études (chauffage et climatisation) où je deviens technicien projeteur..
Les « Cours Professionnels du Bâtiment » supplient mon patron de détacher pour quelques heures un de ses techniciens afin de donner des cours de dessin aux apprentis. Je me porte volontaire et je rentre donc dans l’enseignement par la petite porte… Ces cours en 1969 deviennent CFA (Centre de Formation d’Apprentis) et on me propose un poste à temps complet. Néanmoins pour être conforme aux enseignants de l’éducation Nationale, je dois passer un Bac. Me voilà donc passant ce fameux Bac à 38 ans mêlés aux jeunes de 18 ans !! Sans commentaire…. Pris dans le tourbillon du goût du savoir et de la connaissance, j’obtiens successivement : Diplôme d’entrée en Fac de médecine, Diplôme interuniversitaire de psychopédagogie, Doctorat de 3ème cycle, D.E.A. de cinéma, Doctorat d’Etat en Lettres modernes.
Effectivement ce parcours est complètement atypique et original. Vous êtes pour l’époque la preuve vivante de l’ascenseur social qui existait jusqu’aux années soixante-dix et qui a bien disparu depuis les années quatre-vingt, pour les classes défavorisées. Qu’en pensez-vous ?
« Autres temps autres mœurs… » Dans les années 70, tant de choses étaient possibles et l’ascenseur social était à la portée de ceux qui croyaient en des valeurs aujourd’hui perdues …
Valeurs ? Mais lesquelles ? La notion du bien et du mal, (inculquée, quoiqu’on en pense, par le christianisme), la notion d’un idéal serein de vie familiale et sociale dans une paix reconquise après la seconde guerre mondiale, et surtout : le courage, l’amour du travail bien fait et accompli avec la satisfaction personnelle qu’il apporte au-delà et bien plus que le salaire ..
L’ascenseur social aujourd’hui est en panne principalement pour les classes défavorisées car « le veau d’or est toujours debout… ». L’argent règne en maître, peu importe le mal, la misère, l’horreur, seul compte le profit dans une société inféodée à une consommation effrénée.
Pour vivre ou survivre, il faut de l’argent. Or, l’honnête travail seul n’a jamais permis à un ouvrier l’enrichissement, les défavorisés ne le savent que trop bien. Alors il faut de l’argent à tout prix et l’exemple vient de très haut : magouiller, tricher, mentir, voilà les secrets de la réussite …
Alors à quoi bon ? Le ciel est vide de Dieux et d’idéaux… Tout est permis… Camus, athée, croyait en la révolte… En quoi faut-il croire maintenant, surtout quand on est ceux de « La France d’en bas » ?
Comment êtes-vous entré en littérature ?
Comment suis-je entré en Littérature ? Tout d’abord, je dois avouer que, comme beaucoup, je traîne derrière moi les hésitations, les complexes et les peurs de la petite enfance … Enfant, je n’avais jamais imaginé qu’un jour, je pourrais être bachelier et encore moins enseigner dans une université…
C’est la rencontre avec un professeur de Lettres, Pierre Silaire, qui donnait des cours à l’ IPST (Institut de Promotion Sociale du Travail) qui m’a donné le goût d’écrire. Il dispensait son enseignement tard dans la « galère des cours du soir » et dans le cadre de la préparation d’adultes au Baccalauréat.
C’était un homme merveilleux, lumineux, souriant, brillant, qui, d’une voix de velours, nous faisait découvrir Sartre, Céline, Perec et tant d’autres. Il aimait ma façon d’écrire, il me le signifiait par ses notes et par l’estime particulière qu’il me témoignait. C’est un peu grâce à lui que j’ai poursuivi mes études jusqu’aux Doctorats.
Plus tard, j’ai été très fier de l’inviter à la soutenance de ma première thèse, ma thèse de troisième cycle et encore plus fier lorsqu’un membre du jury a fait observer qu’il devenait de plus en plus rare de voir des thèses aussi bien écrites.
Il a été mon guide, mon maître, mon collègue à l’IUT, puis mon plus grand ami… Il me disait : « moi je suis un homme de paroles , de verbe et toi tu es un homme d’écrits.. »
Aussi, lorsque l’Université Paul Sabatier a organisé un concours de « nouvelles policières », il a beaucoup insisté pour que j’y participe. Et voilà que, moi qui n’aime pas trop les polars, voilà que j’ai obtenu le premier prix…
Mais Pierre est parti vers ce pays d’où nul ne revient… J’ai mal… j’ai la gorge si serrée ! Vous ne saurez jamais combien il me manque … Il est si rare de croiser des êtres solaires ! Son soleil s’est éteint, mais son ombre demeure…
André, avez-vous actuellement des projets d’écriture ? Je sais que vous faites aussi partie d’un atelier d’écriture, « Text’Orens »(1). Que vous apporte-t-il ?
L’acte d’écriture est à la fois un acte exaltant et décourageant… Exaltant car l’auteur se glisse dans la peau de personnages fictifs ou réels pour les faire vivre ou revivre à sa guise … Décourageant car on compose et on chante pour être entendu, on peint pour être vu, et on écrit pour être lu. Hélas ! Mérite et talent sont-ils toujours reconnus ?
Pourtant, quand on aime, quand on est passionné, contre vents et marées il faut continuer à composer, à peindre ou à écrire face au vide de l’inconnu.
En ce moment, je rédige un roman sous forme épistolaire. Le thème est emprunté à un « secret de famille » : l’amour interdit conduisant à un infanticide traumatique durant la dernière guerre… J’en suis à l’épisode des femmes tondues …
L’Atelier d’écriture « Text’Orens »
Cet atelier n’a fait que confirmer ce dont je me doutais déjà, à savoir qu’il existe beaucoup de talents en herbe ou en gerbes qui restent ignorés, mais aussi que beaucoup d’êtres possèdent en eux, au fond d’eux, une richesse insoupçonnée qui surgit, tout à coup, sous leur plume et souvent à leur grand étonnement…
J’ai aussi aimé retrouver, dans ces écrits lus à voix haute, le style propre à chacun, et la révélation de tempéraments émergeants à chaque nouvelle lecture. En vérité, nous sommes tous dans nos mots …
L’atelier d’écriture est également la confrontation de personnalités diverses, avec tous les problèmes suscités par le mise en groupe d’individus liés par un seul centre d’intérêt : écrire.
Il y a deux ans, une universitaire a été chargée d’animer notre atelier. Ses connaissances littéraires alliées à celles du cinéma m’avaient séduit et elles m’ont aidé à commencer un roman. Et je dois dire que les critiques et les conseils de cette professeure m’ont encouragé à le terminer.
Vous avez également écrit une pièce de théâtre « Les Nouvelle Amazones » et l’avez même jouée à Escalquens et à Saint Orens au sein d’une troupe amateur, « La Comédie de Saint-Orens ».
« […] C’est « une parodie de pièce de boulevard tout en baignant dans le concert des nouvelles technologies qui favorisent et compliquent à la fois les liens tant amoureux que conjugaux. On peut aussi l’appeler « la comédie du trompeur trompé » ; c’est une pièce pour rire un peu des jeux de mots par les jeux de l’humour et du hasard, si l’on peut dire. ». Dépêche du midi du 18/05/2009.
En fait, j’ai écrit deux autres pièces, éditées chez Edilivre, et et qui n’ont pas encore été jouées…
Merci beaucoup André Guerri.
(1) Text’Orens est un atelier d’écriture à Saint-Orens. Voir l’article d’Infosainto qui lui est consacré.