Pourquoi le wokisme fait-il peur ? Compte rendu du café-débat de Café’in
Saint Orens, samedi 31/05 à 17 h, salle Jean Dieuzaide.
« Pourquoi le wokisme fait-il peur ? Réponse des féministes et minorités de genre »
avec Alice Carret, féministe qui a présenté un diaporama et échangé avec le public
Définition des termes « woke »; « être woke », « wokisme » :
- « Woke » aux USA signifie « éveillé•e », sensible tout d’abord aux injustices sociales et raciales puis à toutes les discriminations, au sexisme et aux LGBTphobies. En sociologie, le terme « intersectionnalité » dit comment les discriminations se croisent et se renforcent. Exemple d’une personne issue d’une minorité ethnique et pauvre, victime à la fois de racisme et de mépris de classe.
Mais par une inversion complète de sens de ces termes,
- « woke» est devenu une insulte pour disqualifier l’adversaire, chez l’extrême-droite et autres partis. Il est souvent associé à la « cancel culture » c’est-à-dire le boycott, la censure d’œuvres jugées discriminantes : certain•e•s parlent alors de « doctrine » à laquelle « la France et sa jeunesse doivent échapper », d’autres d’une « police de la pensée ».
- aux USA, Donald Trump, pour « purger le wokisme », et la « cancel culture » a signé des décrets contre les politiques de diversité et d’inclusion.
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En France, des chiffres alarmants :
- seulement 22% des rues portent des noms de femmes
- 50% à 80% des jeunes noirs et arabes sont contrôlés par la police
- 42% à 86% des jeunes trans entre 18-24 ans ont pensé au suicide
Sont assimilés à du wokisme :
- l’écriture inclusive issue de la critique féministe dans les années 70, de la règle de grammaire française où le masculin l’emporte sur le féminin
- les politiques orientées vers la diversité et l’inclusion
- la sensibilisation des élèves aux injustices et inégalités : l’introduction à l’école en 2014 (ministère Najat Vallaud-Belkacem) du programme de « Les ABCD de l’égalité » de lutte contre le sexisme et les stéréotypes de genre avait fait polémique. On allait enseigner la « théorie du genre » ?! Dans les nouveaux programmes, ne demeurent que la connaissance du corps et la sensibilisation au consentement, ce qui est déjà essentiel.
Un « backlash » (terme anglais) ou « retour de bâton » (en français) :
- Après Black Lives Matter puis #MeToo, on peut observer un phénomène très fort de backlash, retour de bâton, contre les droits des minorités. Un mouvement réactionnaire, misogyne, androcentré, conservateur et anti-féministe, le masculinisme ou hominisme, très présent sur les réseaux sociaux.
« Les thérapies de conversion » :
- Echanges passionnants avec la salle et indignation générale à l’évocation des « thérapies de conversion » visant à modifier, réprimer ou éradiquer l’orientation sexuelle, l’identité de genre et/ou l’expression de genre des personnes LGBTQ+ alors qu’il n’y a rien à guérir.
- En mai 2025, avec l’initiative citoyenne européenne (ICE), un million d’Européens ont appelé à interdire ces pratiques qualifiées de torture par l’ONU. La mobilisation numérique a été inédite. Une pétition a circulé.
- Mais 8 états seulement interdisent actuellement : France, Belgique, Chypre, Allemagne, Malte, Portugal, Espagne et Grèce.
- La Commission européenne va devoir répondre mais rien ne l’oblige à transformer cette initiative en un acte juridique.
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Notes : pour aller plus loin…
Article du Monde
- « Les décodeurs ». « Qu’est-ce que la pensée « woke » ? Quatre questions pour comprendre le terme et les débats qui l’entourent. » – 23 septembre 2021 –
- « Le terme, issu des problématiques de justice sociale et raciale aux Etats-Unis, est devenu une expression fourre-tout, utilisée pour dénigrer des idées progressistes. »
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Sur Mediapart, articles et vidéo :
- Vidéo : « Wokisme » : pourquoi ce mot est piégé » – 6 mai 2025 –
- Aux États-Unis, Trump attaque le « wokisme » au diapason d’intellectuels, d’extrême droite mais pas seulement, qui ont popularisé le terme en France. Dans « À l’air libre », décryptage d’une guerre culturelle faite pour désarmer la gauche.
- « Entretien avec Alex Mahoudeau » – 2 janvier 2024 – Cet entretien a été initialement publié dans le livre collectif de Mediapart publié aux Éditions du Seuil, #MeToo, le combat continue (2023) – Extraits.
- Alex Mahoudeau est docteure en science politique. Après avoir travaillé sur les questions urbaines, elle s’intéresse aux formes de la participation politique et au développement des idéologies réactionnaires. Elle mène notamment des travaux universitaires sur les polémiques entourant le « politiquement correct » et la « censure bien-pensante » des campus. .
- « Le prétendu “wokisme” est un fourre-tout, les groupes visés sont toujours les mêmes » : Attaques contre des centres LGBTQI+, contre des lectures faites par des drags, insultes transphobes, obsession « antiwoke » : l’extrême droite et ses relais mènent en France et dans le monde une guerre culturelle de plus en plus visible.
- « Les mouvements anti-LGBTQI+, antiféministes et masculinistes sont souvent perçus comme autonomes. Ils partagent pourtant une même vision des relations sociales : une défense de la masculinité et de la féminité « traditionnelles », une vision hiérarchique des rapports de sexe − les hommes en haut, les femmes en bas, et l’homosexualité, la transitude et la non-binarité définies comme des perversités. »
- Les offensives antigenres se déploient en France, en Europe, dans le monde…
- Actuellement, la cible, les boucs émissaires des réactionnaires, ce sont les personnes trans. Dans un an, ce seront peut-être d’autres personnes. L’antidote à ces attaques, c’est de ne pas avoir honte. C’est aux transphobes et aux homophobes d’avoir honte. »
- « Woke » : la diversion réactionnaire » – 15 octobre 2021 –
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- « Projection de nombreux fantasmes réactionnaires, la pensée « woke », ou « wokisme », s’est fait une petite place dans le débat public, à l’heure d’une pré-campagne présidentielle [ndlr : en 2021], marquée par les discours d’extrême droite. Les termes sont aussi apparus dans la bouche d’un ministre de Macron ou d’un responsable socialiste. »
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Bibliographie
- Alex Mahoudeau, autrice de La Panique woke. Anatomie d’une offensive réactionnaire (Textuel, 2022).
- « Mediapart est le journal qui a le plus documenté et accompagné en France ce « mouvement social mondial » qu’est devenu #MeToo. Ce livre témoigne de ce bouleversement politique, social, intime et culturel qui ne s’arrête plus depuis l’émergence planétaire du fameux hashtag à l’automne 2017. On y trouve des enquêtes et des analyses au plus près des mobilisations et des changements politiques, précédés ou suivis d’entretiens inédits avec des spécialistes (sociologues, historien·nes, etc.) dont Michelle Perrot, Mérabha Benchikh, Christelle Taraud, Fanny Gallot, Alex Mahoudeau, Chowra Makaremi, Kaoutar Harchi. Ainsi, cet ensemble de contributions permet-il de saisir ce qui se joue dans cette grande vague féministe porteuse d’espoir. Qu… » Sur le site de l’éditeur
#MeToo. Le combat continue.